Origine du Groupe : Jamaica
Style : Reggae
Sortie : 1970
Voilà un disque sur lequel les informations sont plutôt rares... Et pourtant, je trouverais bien dommage de ne pas en parler tant il regorge de perles Early Reggae : un vrai régal pour les
oreilles, une authentique galette à danser! Avec ses refrains entêtants à reprendre en chœur, voix suaves, frénétiques ou encore plaintives, instrumentations énervées, cet album/compilation est
une véritable aubaine: les fans de Reggae de l'époque, qu'ils soient jamaïcains ou européens, ne s'y sont pas trompés. Affirmation qui n'est finalement qu'un pléonasme : sans ses nombreuses
qualités, il aurait tôt fait de tomber dans l'oubli, et les Kingstonians avec. Sufferer est en effet leur seul fait d'armes dans ce format, mais surtout une suite logique à de nombreux succès
commerciaux des deux côtés de l'Atlantique.
The Kingstonians, c'est dès 1967 le talent et l'inspiration d'un lead vocal qui officia en outre au sein des Tennors, Jackie Bernard, accompagné de son frère Footy et d'un ami commun, Lloyd Kerr.
Mais c'est aussi, pour la plus grande partie de leurs titres et la totalité de ceux présents sur ce 33T, un backing-band de haute volée ainsi qu'un excellent producteur : The Crystalites et
Derrick Harriott. Ce dernier, qui a à son actif bon nombre de fabuleux morceaux en tant que chanteur ou producteur -il a d'abord fondé le label Crystalcrystal, puis Move & Groove move and
groove à partir de 1967-, a d'ailleurs participé aux chœurs sur la plupart des morceaux de Sufferer. Et puis son rôle de businessman ne doit pas être anodin non plus. En fin connaisseur de sa
musique et des marchés auxquels il avait affaire, il a fini par accaparer la totalité des sorties du sous-label de Trojan que fut Song Birdsong bird pour ses propres productions, qui allaient
bien au delà des Kingstonians ; mais le producteur et ces derniers firent la paire...
C'est avec The Clip que l'abordage sur Song Bird fut lancé, en 1969 ; Singer Man fut l'année suivante l'un des single Reggae les plus vendus en UK, et c'est avec ce dernier que le label fit ses
plus grosses ventes, pour prendre ensuite une direction plus commerciale. Preuve du succès de ce morceau, on le retrouve aussi sur les compilations Tighten Up Vol. 3tighten up volume 3 et Reggae
Reggae Reggaereggae reggae reggae. Avant ça, c'est avec "Winey Winey" que les Kingstonians attaquèrent le marché UK : ce Rocksteady, produit par Carl Johnson, sortit en 1967 sur Rio winey winey
rio, mettant fin par la même occasion aux sorties du label. Il fut par la suite repris tel quel sur la compilation WIRL Club Rock Steady'68club rock steady 68 avant d'être réenregistré en Reggae
et inclus dans la compile You Left Me StandingYou Left Me Standing ; c'est d'ailleurs cette dernière version produite par Derrick Harriott que l'on retrouve sur Sufferer. Dans l'entre deux, les
titres des Kingstonians firent leur apparition sur les pressages de Big Shot ; ce fut, à l'instar d'autres gros standards Skinhead Reggae tels que John Jones de Rudy Mills, le cas pour I'll Be
Around et Sufferer, un véritable succès qui fut repris dans la compile Trojan Tighten Up Vol. 2tighten up volume 2 ainsi que dans un programme de la BBC sur les skinheads durant l'année 1969 :
"Man Alive". Autre titre symptomatique : Hold Down, sorti en 1969 sur le label Crab, devait se retrouver peu après sur deux LP Pama : A Gift From PamaA Gift From Pama et Sixteen Dynamic Reggae
HitsSixteen Dynamic Reggae Hits avant d'être inclus par Trojan sur le présent album. Autant de succès sur les terres de Sa Majesté qui, il ne faut pas l'omettre, enboîtait le pas à un engouement
bien présent en Jamaïque.
Derrick Harriott est fort lucide sur ce point. Dans un entretien repris par Lloyd Bradley dans Bass Culture, il cite d'ailleurs Sufferer en exemple. Mais la réalité est moins rose qu'il n'y
parait. Si le titre est un hymne transatlantique, il décrit avant tout une situation fort critique pour la population jamaïcaine après plusieurs années de gestion catastrophique du pays par le
JLP : "We a sufferah... / We a sufferah... / We a sufferah..." ("Nous les miséreux... / Nous les miséreux... / Nous les miséreux..."), un véritable reality song dont le succès UK n'est peut-être
finalement du qu'au rythme et au refrain accrocheur : un pur exemple de "reggaexploitation"! Quoi qu'il en soit, c'était une véritable aubaine pour la production musicale jamaïcaine ; extraits
choisis : "l'exportation de la musique avait une valeur énorme. Nous le savions tous et quiconque pouvait trouver un accord pour faire distribuer ses productions en Angleterre le faisait. (...)
Mais il faut souligner que se sont les gens de la musique en Jamaïque qui en furent les initiateurs. C'est uniquement parce qu'il y avait une grosse communauté jamaïcaine au début, et qu'à
travers de petits importateurs et de petites boutiques les disques arrivaient là-bas que le Reggae a connu un quelconque succès en Angleterre. (...) Le seul potentiel auquel on pouvait penser
était la communauté jamaïcaine. Tu vois, à la fin des 60's, le marché en Jamaïque était devenu saturé, en d'autres termes il y avait beaucoup d'artistes qui enregistraient. (...) C'était plus que
ce que le public pouvait réellement supporter parce qu'avant, à l'époque du Rocksteady, il était possible de vendre quelques 50 000 exemplaires ou plus d'un enregistrement, et puis quelques
années plus tard, tu t'apercevais que c'était descendu aux environs de 10 ou 15 000 parce qu'il y avait tellement plus de choix". On parlait de businessman? En tous cas, les titres des
Kingstonians en fournissent un bel exemple parmi tant d'autres, à ceci près qu'ils étaient capables de rallier Blancs et Noirs sur le même son stricto sensu, ce qui n'était évidemment pas le cas
de tout ce qui durant cette fin de décennie reçut l'appellation controlée de Skinhead Reggae.
Mais trève d'"analyse" économique, le son avant tout !... Cet album ne souffre pas vraiment de défauts. Même des titres moins connus comme Your Love possèdent une aura certaine. Et des textes
aussi simples que celui de Singer Man ("Singer man / Sing me a song / Singer man / Sing me a song / Singer man / Sing me a song" etc...) n'ont à coup sûr pas été pour rien dans le succès des
Kingstonians sur les dancefloors. Mais la version des UB40 en a-t-elle eu autant? La reprise est pour le moins une preuve de plus de la qualité du morceau original. Hold Down déborde quant à lui
de nerfs, tout comme I'll Be Around : 100% Early Reggae! Et c'est applicable à tout le reste de cette galette, avec une mention spéciale pour Rumble Rumble, tout simplement jouissif... Avec Come
We Go Moonwalk, on s'aperçoit que MJ n'a rien inventé, tandis que le titre Complicated Scene, qui doit sûrement faire référence à la situation jamaïcaine de l'époque, pourrait être un joli
résumé, pris tel quel, pour décrire la "scène" skinhead actuelle. Titre qui, avec son successeur, marqueraient qualitativement le pas par rapport au reste de ce splendide album... Si on ne
finissait par se rendre compte que Easy Ride Reggae est un instru, et qu'il est donc un peu l'intru de la galette. A créditer aux Crystalites donc! A noter enfin que le label Attack a ressorti
cet opus en 1991 sous une pochette légèrement différentesufferer kingstonians attack. Y'a plus qu'à!
Tracklist: A: Your Love - Singer Man (JA : Move & Groove, UK : Song Bird SB 1019 A, 1970) - Sufferer (UK : Big Shot BI 508-A, 1968 et Big Shot BI 542-A, 1970) - Hold Down (JA : Move &
Groove ; UK : Crab CR 19-A, 1969) - I'll Be Around (la version de l'album, pour Derrick Harriott, sur Big Shot BI 526 -UK-, 1968 ; pour Carl Johnson sur Sir JJ -JA- et Trojan TR 627-B -UK-, 1968)
- Winey Winey (Reggae) - B: The Clip (Song Bird SB 1011-A, 1969) - Rumble Rumble (JA : Move & Groove ; UK : Song Bird SB 1041-A, 1970 - Come We Go Moonwalk - Complicated Scene - Easy Ride
Reggae - Nice Nice (Big Shot BI 526, 1969).
par http://london69.free.fr
Tracklist :
01 - Your Love
02 - Singer Man
03 - Sufferer
04 - Hold Down
05 - I'll Be Around
06 - Winey Winey (Reggae)
07 - The Clip
08 - Rumble Rumble
09 - Come We Go Moonwalk
10 - Complicated Scene
11 - Easy Ride Reggae
12 - Nice Nice
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