Origine du Groupe : Brazil
Style : World Music , Afro Samba
Sortie : 2011
Par Olivier Cathus pour http://lelixirdudrfunkathus.blogspot.com
Avec “Metá Metá”, Kiko Dinucci, Juçara Marçal et Thiago França nous offrent un plongeon sans retour dans la nouvelle scène afro-samba brésilienne
Quand on pense à São Paulo, ce n’est pas le samba qui nous vient à l’esprit. Même s’il a existé de grandes figures locales en la matière (Adoniran Barbosa, Paulo Vanzolini…), l’industrieuse
mégapole est plutôt cet incroyable carrefour cosmopolite où germent les formes métissées-globalisées d’un Brésil moderne, rock et électro. Pourtant, il existe aussi une scène pauliste qui creuse
vers ses racines afro-brésiliennes, qui s’imprègne de sa spiritualité et vibre de ses rythmes. Une scène indépendante, qui outre son effervescence artistique, essaie d’inventer un nouveau modèle
pour diffuser sa musique. Au centre de cette scène, on trouve Kiko Dinucci, jeune compositeur ayant trouvé son inspiration dans des afro-sambas très personnelles et originales. En compagnie de
Juçara Marçal et Thiago França, il vient de signer Metá Metá, un album qui risque fort de figurer parmi les plus beaux de l’année.
Avant de présenter ce disque, il me semble utile de préciser ce qu’on entend par afro-samba… On se souvient qu’en 1966, Vinícius de Moraes et Baden Powell ont enregistré certaines des chansons
qu’ils avaient composé ensemble un peu plus tôt. Ces chansons ont été réunies sur l’album Os Afro-Sambas. Assurément un des disques essentiels de la musique brésilienne. La particularité de cette
œuvre est qu’elle a trouvé son inspiration dans la spiritualité des religions afro-brésiliennes. Les chansons s’y faisant évocation des orixas de ce panthéon : “Lamento de Exu”, “Canto de
Ossanha”, etc… Le terme afro-samba pourrait n’être que bêtement redondant tant le samba est déjà en soi bien afro, si ce préfixe ne soulignait ici une particularité de plus, à savoir cette
inspiration spirituelle. Ainsi, sera considérée comme afro-samba, une musique qui chantera les orixas, aura recours à la langue yoruba (ou ce qu’il en reste) même si, paradoxe, elle n’est pas
stricto sensu… samba !
Si la notion d’afro-samba est encore associée au génie de Baden Powell, Kiko Dinucci ne s’en est jamais inspiré pour développer son jeu de guitare. Aux envolées de Baden, toujours à la limite de
la démence, il préfère une sobriété toute terrienne, posant les bases qui autorisent toutes les libertés à ses partenaires.
Né en 1977, Kiko Dinucci est un artiste qui a commencé par le rock avant d’évoluer vers le samba et de s’impliquer dans une recherche sur les religions afro-brésiliennes. Cette quête spirituelle
est même au cœur de son travail. S’il est musicien avant tout, Kiko Dinucci est également peintre, graveur (sur bois) et réalisateur. Il est ainsi l’auteur d’un film documentaire Dança das
Cabaças - Exu no Brasil où il s’est interrogé sur la place occupée par Exu dans l’imaginaire brésilien. En allant à la rencontre de dignitaires des Candomblés (de tradition Nagô, Gege ou
Bantoue), Tambor de Mina, Umbanda et Quimbanda, il souligne qu’Exu pourrait être décrit comme un “diable bon” quand, pendant des siècles, l’Eglise s’est acharnée à le diaboliser, engoncée dans
ses notions de Bien et de Mal manichéennes. Des notions plus ambigües et complexes dans les religions afro-brésiliennes et, surtout, qui ne sont pas le prisme obligée pour appréhender la vie.
Dans la musique de Kiko Dinucci, on trouve les échos de cette force spirituelle. Que ce soit avec son groupe, Banda AfroMacarrônico, ou ici avec ce dernier projet, c’est la véritable source
d’inspiration d’une grande partie de son travail. Metá Metá est un album surprenant, intense. Assurément un des albums de l’année pour qui aime les musiques brésiliennes exigeantes. Alors que
Kiko et Juçara Marçal collaborent depuis quelques années, ayant notamment enregistré ensemble l’album Padê en 2007, la rencontre avec le saxophone et la flûte de Thiago França vient grandement
enrichir leur musique et soutenir la voix magnifique de Juçara Marçal. Car pour incarner cette musique, il fallait une voix exceptionnelle, à rendre jalouses toutes ses consœurs, une voix
toujours juste, capable de tout chanter sans jamais forcer.
A eux trois, Kiko, Juçara et Thiago développent un son résolument original qui ne ressemble à nul autre. Si un des plus beaux titres de l’album, “Samuel”, composé par Kiko et Rodrigo Campos, est
un titre tout en douceur, il est par ailleurs très étonnant de constater que, sur cet album résolument afro, il n’y a ni batterie ni percussions sur la moitié des titres ! Mais quand Samba Ossalê
aux percussions et Sergio Machado à la batterie se mettent de la partie, sur la deuxième partie du disque, c’est une montée vertigineuse, comme si les orixas se mettaient au free !
Metá Metá est une œuvre qui ouvre les afro-sambas sur le jazz. Les tire jusqu’à l’afrobeat. Leur fait toucher sur “Obatalá”, tout en apaisement apollinien, une forme de spiritual jazz qui ne
déparerait pas sur un album du collectif Build An Ark. Une façon d’en faire des méta-afro-sambas, en quelque sorte. A ceci près que le sens de méta ici est tout autre. En effet, Metá Metá est un
mot yoruba qui signifie “trois en même temps”, soit une synthèse de trois éléments en un seul. Kiko Dinucci, Juçara Marçal et Thiago França incarnent cette idée à merveille. Non seulement l’album
est disponible gratuitement en téléchargement, mais vous pouvez également installez sur votre ordinateur l’application Bagagem sur le site de Kiko Dinucci, également gratuite, qui vous permet
d’écouter l’album en regardant les vidéos réalisées pour chacun des titres.
Tracklist :
1. Vale do Jucá
2. Umbigada
3. Papel Sulfite
4. Trovoa
5. Samuel
6. Vias de Fato
7. Oranian
8. Obá Iná
9. Obatalá
10. Ora Iê iê o
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